Les faits
Un salarié intègre une société en 2002, et évolue au poste vice-président – directeur quelques années plus tard. Sa rémunération comprend alors une partie fixe et une part variable, basée sur des objectifs.
En 2017, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail puis saisit le Conseil de prud’hommes de Paris afin d’obtenir le paiement de l’intégralité de ses primes d’objectifs et une réparation au titre du harcèlement moral qu’il a subi. N’obtenant pas gain de cause, il fait appel de la décision.
Débouté de ses demandes devant la Cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 6 – ch. 3, 9 oct. 2019, n°18/06134), le salarié forme un pourvoi en cassation en faisant valoir que :
Il n’appartient pas au salarié de rapporter la preuve que les objectifs fixés par l’employeur lui ont été communiqués avec du retard,
Dans le cadre de l’appréciation de faits constitutifs de harcèlement moral, le juge doit examiner l’ensemble des faits qui lui sont rapportés. En effet, la Cour d’appel a constaté que la prise d’acte de la rupture du salarié était concomitante avec l’arrivée de son nouveau supérieur hiérarchique dont il espérait obtenir le poste, sans même se prononcer sur les autres éléments rapportés par le salarié tels que l’absence d’entretien annuels et les échanges de courriels professionnels durant ses congés payés.
L’analyse de la Cour de Cassation
Le 17 novembre 2021 (Cass. soc., 17 nov. 2021, n°19-24.907), la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, et ce pour les deux moyens soulevés :
Au visa de l’article 1353 du Code civil :
« Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice »
La Cour de cassation estime alors que les juges d’appel ont inversé la charge de la preuve, en ce qu’il appartient à l’employeur de prouver qu’il avait bel et bien communiqué les objectifs semestre par semestre, avant leur réalisation.
Après avoir rappelé le rôle du juge en matière de harcèlement moral, la Cour de cassation insiste sur le fait qu’il appartenait à la Cour d’appel d’examiner l’ensemble des faits invoqués par le salarié, le harcèlement moral ne reposant pas uniquement sur des faits répétés.
Apport
Bien que cet arrêt soit d’importance en matière de harcèlement moral, l’apport de celui-ci se situe essentiellement s’agissant des objectifs.
En effet, dès lors qu’il est impossible pour l’employeur de rapporter la preuve qu’il a communiqué les objectifs réalisables qu’il fixe au salarié de manière certaine, et ce avant leur réalisation, ceux-ci lui sont inopposables.
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