Les faits
Une salariée est engagée en tant que vendeuse en 2014. Au mois d’octobre 2015, elle fait part à son employeur, par téléphone, des agissements d’un de ses collègues. Deux semaines plus tard, la salariée fait part de son « désespoir » par mail, et demande à son employeur de faire cesser les faits de harcèlement sexuel qu’elle subit. Le 19 décembre 2015 est régularisée une rupture conventionnelle homologuée, prenant effet le 31 décembre. Elle a contesté la rupture conventionnelle intervenue dans ces conditions. Elle n'a pas été accueillie en première instance et interjette appel.
Le 19 février 2020, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, pôle 6, chambre 8, 19 fév. 2020) infirme la décision rendue et prononce la nullité de la rupture conventionnelle.
l'employeur est condamné au paiement de diverses indemnités (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement et indemnité pour nullité de la rupture), considérant que la salariée avait été dans « une situation de faiblesse (…) du fait de la dénonciation des actes de harcèlement sexuel de son collègue et de l’inertie du gérant, averti quelques jours auparavant des faits reprochés à ce dernier ».
Estimant que l’existence d’un différend entre l’employeur et la salariée n’affecte pas en soi la validité de la convention de rupture, et surtout qu’aucune violence ni pression n’avait été exercée pour rompre le contrat de travail, la société forme un pourvoi en cassation. L’employeur fait également valoir qu’en tout état de cause la salariée avait la volonté de rompre son contrat de travail afin de rejoindre son conjoint dans le sud de la France.
L’analyse de la Cour de Cassation
Le 4 novembre 2021 (Cass. soc., 4 nov 2021, n°20-16.550), la Cour de cassation rejette le pourvoi. Il est précisé que le fait que l’employeur ait été informé par la salariée elle-même des agissements, quelques jours avant la rupture conventionnelle, et qu’il n’avait pris aucune mesure pour protéger la salariée avait donc privé la salariée de son consentement libre et éclairé, celle-ci n'ayant d’autre choix que d’accepter la rupture de son contrat de travail pour mettre fin aux agissements.
Apport
Les juges du fond avaient jusqu’alors considéré que le consentement du salarié à la rupture conventionnelle est vicié dès lors que celui-ci ne peut plus poursuivre l’exécution du contrat de travail sans que sa santé physique ou mentale n’en soit gravement altéré. (CA Rennes, 11 mai 2012, n° 10/07785). Toutefois, sur cette même problématique, la Cour de cassation avait eu l'occasion de valider des rupture conventionnelles intervenues dans un climat dégradé, en effet, dans un arrêt du 23 janvier 2019, la Cour de cassation a précisé que, même en présence de faits de harcèlement moral, la nullité de la rupture conventionnelle suppose que soit rapporté la preuve d’un vice du consentement qui ne se déduit pas ipso facto du seul harcèlement subi (Cass. Soc., 23 janvier 2019, n°17-21550).
L'on peut donc s'interroger sur un premier infléchissement de la jurisprudence antérieure rendue en la matière
De la même manière, la motivation de l'arrêt précise que que la salariée se trouvait dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait, elle n’avait eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait pu donner un consentement libre et éclairé, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence d’une violence morale.
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