Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, le 14 décembre 2022, la chambre sociale s’est prononcée sur la charge de la preuve incombant à l’employeur en matière de durée du travail et respect du droit au repos, dans le cadre du télétravail.
Les faits
En l’espèce, un salarié engagé au sein d’une société travaillait deux jours par semaine sur site et trois jours par semaine à domicile dans le cadre du télétravail. Ce dernier est décédé au cours du trajet entre son domicile et son lieu de travail. Ses ayants droit ont engagé une action à l’encontre de son employeur, le 16 juin 2016. Le Conseil de prud’hommes a été saisi d’une demande en paiement des heures supplémentaires non rémunérées, et de dommages et intérêts pour violation du droit au repos et violation du droit à la vie privée et familiale.
Dans un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles, le 15 avril 2021, les requérants sont déboutés de leur demande au motif suivant :
Les éléments produits ne sont pas suffisamment précis par rapport aux heures réellement accomplies et non rémunérées.
Les requérants ne démontrent pas la violation du droit au repos, d’autant plus que le salarié travaillait deux jours en télétravail donc il organisait librement son temps de travail.
L’amplitude horaire entre le premier et dernier mail envoyé par le salarié ne permet pas d'affirmer qu’il était en permanence à son poste de travail et ne bénéficiait pas de ses repos quotidiens.
Les ayants droit forment un pourvoi en cassation, et font valoir notamment que :
La Cour d’appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, alors que, d’une part, « il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments ». Mais d’autre part, « il appartient à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ».
L’employeur est tenu de prendre des mesures permettant d’assurer au salarié son droit au repos. En cas de contestation, l’employeur doit justifier le respect de ce droit au repos.
La solution de la Cour de cassation
Par un arrêt du 14 décembre 2022, la Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles au visa des articles L3171-4 du Code de Travail, L3131-1 du Code du travail (rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016), et l’article 1315 du Code civil (devenu article1353). À ce titre, il est rappelé qu’en matière de contestation relative à la durée du travail, le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accompli afin de permettre à l’employeur qui dispose de l’obligation de contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Ici, les ayants droit du salarié ont présenté des éléments suffisamment précis mais l’employeur n'a rien produit quant à son contrôle de la durée du travail.
La Cour de cassation précise également qu’en matière de contestation relative au droit au repos, c’est à l’employeur de prouver le respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail.
En l’espèce, la Cour d’Appel a inversé la charge de la preuve en la faisant peser sur le salarié.
Portée de l’arrêt
La jurisprudence est constante et bien établie au sujet du régime probatoire relatif à la durée du travail.
Sur le droit au repos, la pratique du télétravail ne remet pas en cause le principe selon lequel l’employeur est tenu d’apporter la preuve qu’il a respecté ce droit, la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
Sur la réalisation des heures supplémentaires, la Cour de cassation continue sur sa lancée et rappelle que si l'employeur ne peut apporter ses propres éléments sur la contrôle de la durée du travail, le salarié ne peut être débouté.
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