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Les faits
Une salariée a été engagée en tant que directrice d'établissement par une association gestionnaire d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Plusieurs de ses collègues ainsi que des délégués du personnel ont saisi l'employeur en formulant à l'encontre de la Directrice des accusations de harcèlement moral.
Plus précisément, il est reproché à la salariée d'avoir adopté des méthodes de gestion inappropriées qui ont causé un mal-être et une souffrance au sein du personnel, entraînant la démission de certaines salariées et des arrêts de travail pour d'autres. Ces accusations sont soutenues par des courriers et des attestations de salariés et de représentants du personnel dénonçant ces méthodes de gestion.
Le 24 novembre 2014, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Elle a été licenciée le 16 décembre 2014 au motif suivant "(') Au travers des courriers d’alerte que nous avons reçus à la fin du mois de novembre 2014 et au début du mois de décembre 2014, et des entretiens que nous avons eus avec certains agents, il apparaît que vos méthodes de gestion du personnel de notre établissement caractérisent un harcèlement moral de plusieurs de nos salariés dès lors que ces agissements ont eu pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail à l’origine d’une atteinte à leurs droits, à l’altération de leur état de santé'; et/ou à la remise en cause de leur avenir professionnel’ (…)'".
Procédure
La salariée a contesté la rupture de son contrat de travail devant la juridiction prud'homale. Le 3 février 2022, la cour d'appel de Pau (CA Pau, ch. soc., 3 févr. 2022, n° 22/14395) a rendu un arrêt concernant cette affaire. Le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse et l'Association condamnée à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que les sommes dues au titre des créances salariales et de l'indemnité de licenciement.
Pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a retenu d’abord que l’employeur qui avait reçu le 23 octobre 2014 des courriers remis par trois salariées faisant état de faits de harcèlement moral à leur encontre, n’a engagé que le 24 novembre 2014 une procédure disciplinaire à l’encontre de la directrice mise en cause dans ces courriers et qu’il n’est justifié de l’organisation d’aucune mesure d’enquête par l’employeur à la suite des dénonciations reçues, aucun élément ne permettant d’établir que l’employeur a cherché à vérifier que les faits qui lui étaient rapportés étaient effectivement constitutifs de faits de harcèlement moral imputables à la directrice.
Ainsi, la Cour d'appel a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, notamment en reprochant à l’employeur de ne pas avoir mené d’enquête interne avant d’agir.
L'association a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de cassation.
La position de la Cour de cassation
L'employeur a sollicité que l'arrêt soit cassé en ce que le licenciement de la Directrice d'établissement était justifié par une faute grave. L'employeur soutient que la Directrice d'établissement a adopté des méthodes de gestion constituant des agissements répétés ayant entraîné une dégradation des conditions de travail, portant atteinte aux droits et à la dignité des salariés, altérant leur santé physique ou mentale, et compromettant leur avenir professionnel. Ce faisant, elle pouvait être licenciée pour faute grave.
Sur ce point, par un arrêt du 14 févr. 2024, n° 22-14.385, la Chambre sociale de la Cour de cassation vient rappeler que la pratique par la salariée d’un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire
à la santé de ses subordonnés, ce qui était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son
maintien dans l’entreprise et ce, sans que la qualification de harcèlement moral ne soit exigée.
En conséquence, elle casse l'arrêt rendu en reprochant à la Cour d'appel d'avoir invalidé le licenciement pour faute grave alors qu’elle constatait que le comportement fautif impliquant l'impossibilité d'un maintien au sein des effectifs avait été démontré.
L'apport de cette décision
Confirmation d’un principe clé en droit du travail
Cet arrêt confirme qu’un comportement managérial inapproprié, même s’il ne relève pas directement du harcèlement moral, peut constituer une faute grave si :
Il impressionne ou intimide les salariés.
Il nuit à leur santé ou détériore leurs conditions de travail.
Il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Assouplissement des exigences pesant sur l’employeur
L’employeur n’a pas à qualifier juridiquement les faits comme du harcèlement moral pour justifier un licenciement pour faute grave.
L’absence d’enquête interne n’invalide pas le licenciement, dès lors que les éléments à charge sont suffisants.
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