Les faits
Un particulier fait appel à une employée de maison afin de prendre soin de sa maison secondaire. Le 13 août 2014, elle chute d’un balcon et devient paraplégique. Son accident est pris en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle.
Après l’échec de la procédure de conciliation, la salariée saisit les juridictions sociales afin d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable commise par son employeur. Celui-ci est condamné à ce titre le 14 décembre 2019 par la Cour d’Appel de Toulouse .
L’employeur, forme un pourvoi en cassation et estime qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité en ce que :
Ni le Code du Travail ni la convention collective nationale applicable ne prévoient l’application des principes généraux de prévention aux salariés du particulier employeur.
La faute inexcusable s’entend d’ « une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l’absence de toute autre cause justificative », ce qui pour lui n’était pas le cas en l’espèce.
La qualité de particulier employeur doit être pris en compte, tout comme l’éloignement entre le lieu de la prestation de travail et le domicile de l’employeur.
La rambarde litigieuse a pu se détériorer en peu de temps car la police, étant intervenue suite à un cambriolage quelques mois auparavant, n’a pas constaté la moindre fragilité.
Le balcon appartient au bureau personnel de l’employeur et que la salariée n’avait pas à s’y rendre.
L’analyse de la Cour de Cassation
Par un arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation a rejeté les demandes du particulier employeur en estimant que « le manquement à l’obligation l égale de sécurité et de protection de la santé à laquelle le particulier employeur est tenu envers l’employé de maison a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » (Cass. 2eciv., 8 avr. 2021, n°20-11.935)
La Cour de cassation a repris l’analyse des faits opérée par la Cour d’appel qui a en effet relevé que les services de police intervenus après la chute de la salariée ont constaté la vétusté du balcon en bois et « qu’il se peut que la victime se soit appuyée sur la rambarde qui a cédé ». L’employeur ne pouvait ignorer le mauvais état de cette rambarde, qui n’a pu se dégrader en l’espace de quelques mois. Ainsi, le propriétaire avait conscience du danger auquel il exposait sa salariée et il aurait dû prendre toutes les mesures nécessaires pour la protéger, en condamnant l’accès au balcon, ou à tout le moins en la mettant en garde de ne pas y accéder.
La Cour de cassation a confirmé le raisonnement juridique opéré par les juges du fond, qui ont appliqué les principes généraux de prévention au particulier employeur et qui avait conscience du danger « éventuel » du bris de la rambarde de son balcon. Celui-ci a alors manqué à son obligation de sécurité et commis une faute inexcusable.
Apport
Cet arrêt est d’importance dans la mesure où il dresse les contours de l’obligation de sécurité mis à la charge des particuliers employeurs à l’égard de leurs salariés.
Dans un communiqué du 8 avril 2021, la Cour de cassation a précisé que « Comme tout employeur, un particulier est tenu à une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers son employé de maison susceptible d’engager sa responsabilité au titre de la faute inexcusable. », en justifiant notamment cette décision en ce que « L’importance de cet arrêt doit être mesurée au nombre élevé des accidents du travail des employés de maison relevé par l’assurance maladie. »
A l’heure où il est de plus en plus fait appel aux employés de maison, et ce notamment grâce à l’utilisation du chèque emploi-service, le nombre d’accidents augmente d’autant. Du côté du particulier employeur se pose alors la question de l’indemnisation de la faute inexcusable. En effet, un capital ou une rente majorée est versée par la CPAM au salarié victime, et l’employeur doit le prendre en charge. L’absence d’assurance particulière par le particulier employeur ne sera donc pas sans entraîner de lourdes conséquences, surtout en ce qu’il est rare qu’ils bénéficient d’une assurance spécifique à ce titre.
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