Rappel du contexte
Depuis 2016 l'unicité de l'instance a disparu cela veut dire que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l’objet d’une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes.
Cela a une implication pratico-pratique, le demandeur doit concentrer ses demandes au moment de la saisine, faute de quoi elle peuvent être déclarées irrecevables ultérieurement, d'où l'impérieuse nécessité d'être assisté devant le Conseil de prud'hommes par un Avocat.
Les faits
La Cour de cassation est venue apporter des précisions sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel par un arrêt du 25 mai 2022 (Cass. soc., 25 mai 2022, n°21-11.478).
Au niveau factuel, un individu est engagé le 3 janvier 2000 par une fédération en qualité de directeur. Sa relation de travail s’est ensuite poursuivie avec une association de gestion du centre social et culturel qui l’a reprise.
Au mois de janvier 2017, le salarié est licencié pour insuffisance professionnelle, et s’inscrit dans un cotexte de mésentente avec dépôt de plainte en février 2015. Il conteste alors son licenciement auprès de la juridiction prud’homale.
En cause d'appel, le salarié qui avait fondé sa demande d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail sur le retrait d’attributions et d’autonomie a souhaité remettre en cause sa durée du travail et y ajouté une demande d'heures supplémentaires.
Par un arrêt du 10 décembre 2020, la Cour d’appel de Dijon a déclaré irrecevable sa demande d’heures supplémentaires présentée pour la première fois en cause d’appel. En effet, la Cour a estimé que la demande d’heures supplémentaires du salarié n’était ni accessoire ni la conséquence ni le complément des prétentions soumises au Conseil de prud’hommes.
Le salarié a formé un pourvoi en cassation et a fait valoir que la perte d’autonomie et le retrait d’attributions avaient pour conséquence la perte de son statut de dirigeant, et donc le droit au paiement d’heures supplémentaires.
L’analyse de la Cour de cassation
Par un arrêt du 25 mai 2022 (Cass. soc., 25 mai 2022, n°21-11.478), la Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié. Au visa des articles 564 et 566 du Code de procédure civile, les juges réaffirment le principe selon lequel « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premiers juge que les demandes qui sont l‘accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».
Les juges rappellent également que le salarié, ayant fondé ses demandes devant les premiers juges « aux seuls dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail », il ne pouvait former une demande en paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel « puisqu’elle n’était pas l’accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires ».
La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’Appel de Dijon.
L’apport
En principe, les parties ne peuvent faire valoir des demandes nouvelles en cause d’appel. Néanmoins, l’article 566 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 précise que les parties peuvent présenter des demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
A défaut de connexité suffisante entre les demandes, elles seront considérées comme irrecevables. L’identification des finalités des demandes nouvelles est donc primordiale afin de faire ressortir la notion de « lien suffisant ». En pratique, les juges font une appréciation in concreto du caractère nouveau des demandes.
Ici, les juges de cassation établissent une distinction claire entre d’une part, la demande de dommages-intérêts liés au licenciement et à l’exécution déloyale du contrat de travail, et d’autre part la demande de paiement des heures supplémentaires du salarié.
Cette appréciation par les juges reste restrictive afin de ne pas porter atteinte à la sécurité juridique. Il est donc essentiel de faire preuve de vigilance lors de la formulation des demandes en première instance.
Etant précisé qu'en fin d'année 2021, la Chambre sociale a jugé, toutefois, que les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.
En conséquence " est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l’indemnisation des conséquences du licenciement qu’un salarié estime injustifié (Cass. soc., 1er déc. 2021, n° 20-13.339, Publié au bulletin.)
La frontière est donc très mince et les évolutions sur ces points sont à suivre "de près".
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