Dans un arrêt du 19 février 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé la transmission d'une QPC relative à l’exonération de responsabilité des personnes morale par délégation de pouvoir.
Sur le fond, les Magistrats de la Chambre criminelle ont reconnu un double manquement de l’employeur à son obligation de formation en matière de sécurité, dès lors que le salarié sous contrat précaire n'avait pas reçu de formation initiale, ni de formation spécifique liée à l'exposition à de nouveaux risques (Cass. Crim., 19 février 2019, n°18-80942).
Les faits
Un salarié, embauché jusqu’alors en qualité de saisonnier, conclu un CDD avec son employeur, sans recevoir de formation spécifique. Dans un second temps, il est affecté à un nouveau poste. A cette occasion il est gravement blessé par une machine de la société.
Il apparaît que ce salarié n’a jamais reçu de réelle formation pratique et appropriée en matière de sécurité. Après enquête l'employeur est poursuivi pour manquement de la société à son obligation de sécurité.
Les Magistrats de la chambre correctionnelle d'Amiens ont reconnus l'employeur coupables des infractions suivantes :
Emploi de travailleurs temporaires sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité (R.4141-13 du Code du travail) ;
Changement de poste de travail ou de technique de travail sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité (R.4141-15 du Code du travail).
La société mise en cause a, en outre été condamnée à payer 10 000 euros d’amende. Elle a formé un pourvoi.
La demande de QPC rejetée
A titre liminaire, la société a posé une question prioritaire de constitutionnalité sur la responsabilité pénale de la personne morale. L’employeur a fait valoir une rupture d'égalité entre l'employeur personne moral et l'employeur personne physique. En effet, seul ce dernier peut être exonéré de sa responsabilité pénale dès lors que l’infraction a été commise par un salarié titulaire d’une délégation de pouvoir.
La Chambre criminelle décide toutefois de ne pas transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité, cette question n’étant pas nouvelle et ayant déjà été rejetée, sans plus de détails.
Sur le fond, l'employeur reproche notamment aux magistrats de la Cour d’appel de l’avoir condamnée alors que de manière indissociable alors que les faits résultent d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation relève que le salarié n’a pas reçu la formation en matière de sécurité que l’évolution de son statut commandait en application, et qu’il n’a pas non plus bénéficié, lorsqu’il a pris ses fonctions de magasinier, de celle prévue en cas de modification d’un poste de travail ou de technique exposant à des risques nouveaux, ce faisant elle confirme l'analyse de la chambre des appels correctionnels et précise qu'il n'y a pas eu méconnaissance du principe de no bis in idem.
En revanche, la Cour de cassation casse l’arrêt en ce qu’il avait fixé l’amende en estimant qu’elle était « proportionnée aux capacités financière » de la société sans faire référence aux ressources et charges précises de la société concernée.
Il s’agit-là d’une cassation pour défaut de motivation, étant précisé que cela ne signifie pas que la Cour d’appel ne devait pas infliger une amende d’un tel montant à la société, mais qu’elle devait le justifier davantage.
Jurisprudence confirmée
Par un arrêt du 9 avril 2019, (Cass. crim., 9 avr. 2019, n° 17-86.267) la Chambre criminelle a confirmé son analyse extensive de la responsabilité pénale du Dirigeant en précisant "qu'une société peut être reconnue coupable, à l’égard du même salarié, à la fois du délit d’homicide involontaire et d’infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, et ce sans méconnaissance du principe de No bis in idem ";