Dans un arrêt rendu le 13 février 2019, la Cour de cassation a constaté que des attestations et courriels de salariés pouvaient suffire à caractériser l’existence d’un risque grave rendant nécessaire une seconde expertise sur les conséquences sociales d’un transfert d’activité (Cass. Soc., 13 février 2019, n°17-15530).
Les faits
Une société entreprend de transférer une partie de son activité vers une de ses filiales, 15 salariés sont concernés par le transfert. A cette occasion, l’instance de coordination des CHSCT au niveau du groupe vote une expertise sur le fondement l’article L. 4614-12 du code du travail (risque grave et/ou modification importante des conditions de travail).
Alors que le transfert est opéré, le CHSCT d’établissement vote une seconde expertise sur le fondement d’un risque grave pour la santé et la sécurité des salariés.
En effet, le CHSCT a eu connaissance du mal être exprimé par certains salariés par le biais d’attestations mais également de courriels échangés entre eux à propos du transfert : contexte vécu comme « de plus en plus violent », « inquiétudes sur le sort des personnels restant », « difficultés à faire confiance à une direction » ou encore la peur d’être « jeté comme un kleenex ».
L’employeur conteste le vote de cette seconde expertise et saisi en référé le Tribunal de grande instance de TOULON en annulation de sa délibération nommant un nouvel expert. Le Tribunal de Grand instance déboute l'employeur.
L’employeur forme un pourvoi au motif que la caractérisation du risque grave par le CHSCT ne repose que sur des éléments subjectifs provenant de salariés. Il rappelle, par ailleurs, qu’une expertise sur le projet de transfert avait déjà été réalisée par l’instance de coordination au niveau du groupe.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et constate que « le CHSCT s’appuyait sur le regroupement d’éléments concordants caractérisant le risque grave invoqué concernant la situation des salariés concernés par le transfert d’activité et dont la situation ne pouvait se résumer à un simple stress lié à la réorganisation ».
En outre, s’agissant d’une double expertise, « le fait que la société soit dotée de deux organes de prévention spécifiques ne s’opposait pas à ce que le CHSCT décide de recourir à une expertise ».
Conclusion
Le fait que l’instance de coordination des CHSCT ait voté une expertise sur le projet de transfert d’activité ne s’oppose pas à ce que le CHSCT d’établissement demande une seconde expertise sur la mise en œuvre de ce projet et les conséquences sur la santé et la sécurité des salariés concernés à son niveau.
La première expertise portait sur le projet de transfert. Une fois le projet enclenché, le CHSCT au niveau de l’établissement découvre que les mesures prévues par la société sont insuffisantes ce qui provoque un mal être chez certains salariés, il peut alors ordonner une seconde expertise sur le même transfert mais cette fois sur sa mise en œuvre concrète.
Précision...
Au 1er janvier 2020, le CHSCT aura disparu en ce que le Comité social et économique remplace toutes les instances représentatives du personnel. Toutefois, la solution semble être transposable à la nouvelle instance. En effet, le CSE dispose de la faculté d’effectuer une expertise pour risque grave (C. trav., article L.2312-94), la Cour de cassation devrait conserver sa jurisprudence.