AVERTISSEMENT PRÉALABLE
Cet article est mis à jour, en temps réel de l'obtention des décision afférentes à la "saga MACRON", l'intégralité des décisions est consultable via un lien hypertexte.
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Depuis « l’ordonnance Macron » n°2017-1387 publiée au Journal officiel le 23 septembre 2017 a été mis en place un barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse devant s’imposer au juge (L. 1235-3 du Code du travail).
Ce barème prévoit une indemnisation dont le montant est compris entre un minimum et un maximum fixé selon l'ancienneté de l'intéressé et la taille de l'entreprise. Il appartient aux juges de fixer l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au sein de cette « fourchette » indemnitaire légale.
Plusieurs demandeurs, appuyés par le Syndicat des Avocats de France, ont développé un argumentaire afférent à l’inconventionnalité de cette Loi vis-à-vis des textes internationaux pour les motifs suivants :
L’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct (CE Sect., 19 octobre 2005, CGT et a., n° 283471), stipule que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
L’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, qui est également d’effet direct (CE, 10 février 2014, M. Fischer, n° 359892), a repris ce même principe dans les termes suivants :
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) :
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à . »
Le Comité européen des droits sociaux (C.E.D.S), organe en charge de l’interprétation de la Charte, s’est prononcé sur le sens devant être donné à l’indemnité adéquate et à la réparation appropriée dans sa décision du comité du 8 septembre 2016 « Finish Society of Social Rights c. Finlande » (n°106/2014, § 45).
Le Comité énonce que « les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu'ils prévoient :
le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de l’organe de recours ;
la possibilité de réintégration ;
des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime. »
Dans ce contexte, les Conseils de prud’hommes sont amenés à se prononcer la question de la conventionnalité du barème d’indemnisation prud’homale, deux clans s'affrontent :
Les « POUR »
Ainsi, les Conseils de prud'hommes suivants se sont prononcés pour la conventionnalité du barème MACRON au Droit international :
Les « CONTRE »
Ainsi, les Conseils de prud'hommes suivants se sont prononcés contre la conventionnalité du barème MACRON au Droit international
Le Conseil de prud’hommes de TROYES (Cons. prud’h. Troyes, 13 déc. 2018, n° 18/00036);
Le Conseil de prud’hommes d'AMIENS (Cons. prud’h. Amiens, 19 déc. 2018, n° 18/00040);
Le Conseil de prud’hommes de LYON (Cons. prud’h. Lyon, 21 déc. 2018, n° 18/01238);
Le Conseil de prud’hommes de LYON (Cons. prud’h. Lyon, 7 janv. 2019, n° 15/01398;
Le Conseil de prud'hommes d'ANGERS,( Cons. prud’h. Angers, 17 janv. 2019, n° 18/00046)
Le Conseil de prud’hommes de GRENOBLE (Cons. prud’h. Grenoble, 19 janv. 2019, n° 18/00989);
Le Conseil de prud'hommes d'AGEN départage (Cons.Prud'h. Agen, 5 fev. 2019, n°18/00049);
Le Conseil de prud'hommes de DIJON (Cons.Prud'h. Dijon, 19 mars 2019, n°18/00464);
Le Conseil de prud'hommes de BORDEAUX (Cons.Prud'h. Bordeaux, 9 avril 2019, n°18/00659);
Le Conseil de prud'hommes de MARTIGUES (Cons.Prud'h. Martigues, 26 avril 2019, n°18/00168);
Le Conseil de prud'hommes du HAVRE (Cons.Prud'h. Havre, 7 mai 2019, n°18/00185); qui précise que l'avis de la Cour de cassation n'est pas nécessaire.
Le Conseil de prud'hommes de MONTPELLIER (Cons. prud’h. Montpellier, 17 mai 2019, n° 18/00152).
Les « HYBRIDES»
Cette catégorie mérite quelques éléments d'explication, il s'agit, d'une décision du Conseil de prud'hommes de CAEN, en départage. Elle ne peut être classée dans le clans des "contre", le dispositif ne tranchant pas expressément la question de la conventionnalité du barème, contrairement aux autres décisions susvisées. Cependant, elle ne peut être classée dans le clan des "pour", le Conseil ayant refusé une indemnisation supra légale.
L'argumentaire développé par le demandeur est repris au sein de la motivation, pour préciser, qu'en application des textes internationaux et de la décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2018, et "qu'en l’absence de démonstration de l’existence d’un préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l’application du plafond du barème susmentionné, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail."
Le Conseil fait application du barème en reprenant les critères utilisés depuis des années pour justifier l'indemnisation supra légale (au delà des 6 mois de salaires avant le barème MACRON) - âge - difficultés à retrouver un emploi -situation de famille et personnelle.
En clair, la porte reste ouverte, charge au demandeur de démontrer que son préjudice ne peut être réparé par application stricte du barème.